Chères lectrices, chers lecteurs,
Au Château La Coste, à côté d'Aix en Provence, une balade présente les oeuvres d'artistes contemporains. Au bout d'une impasse, on trouve une oeuvre de Sophie Calle, "Dead end". C'est une tombe en marbre blanc gravée de l'épitaphe « Ici reposent les secrets des promeneurs ». Chacun peut noter sur un bout de papier ce qu'il n'a dit à personne et le glisser dans la sépulture. Culpabilité, sexualité, lieux de pêche des meilleurs homards. Rien ne sera divulgué par l'artiste, jamais.
Cette semaine, la Mouche d'Argent, qui adore par ailleurs Sophie Calle, dévoile tous les secrets. Ceux des conversations des couples, des habitués du cafés et des jeunes étudiants. Cette semaine, vous êtes psy, prêtre, meilleur ami. Et puis, si tout cela vous pèse un peu trop, vous pourrez aller les déposer dans l'oeuvre provençale.
Bienvenue dans cette neuvième édition!
Si toutefois cette Mouchette s’est retrouvée par hasard dans votre boîte mail, vous pouvez continuer de la lire simplement en cliquant ici.
Qu’est-ce qu’on lit aujourd’hui ?
L’Indétrônable Mouche
Invitez vous froidement dans les pensées des amis qui discutent.
Nous vous conseillons un détour devant le réfrigérateur de vos amis ou de suivre leurs Conversations.
Le moment de lecture
Allongé ou expresso?
On nous bassine avec les certitudes cartésiennes… Cogito, ergo sum etc. La seule vraie question essentielle demeure dans l’interrogation : Allongé ou expresso?
La citation de la Mouche
Le diable se cache dans les détails.
Le lieu de lecture
Les secrets les plus secrets sont partagés par tout le monde.
Les hontes et les regrets, les promesses et les espérances; nous voulons dire au revoir à certains de nos secrets mais un livre rappelle que certains adieus sont impossibles.
La Mouche à regarder
Un extrait d’un dialogue sublime d’un film sublime.
Chères lectrices, chers lecteurs, bonne lecture!
L'indétrônable du mois : Conversations entre amis
Sally Rooney, Conversations Entre Amis
Points, 2021
Roman
352 pages
Temps de Lecture : 1h30-2h30
Il me semble que nous pouvons analyser profondément les personnes qui nous entourent de deux manières distinctes. La première consiste à fouiller dans le frigo de vos hôtes. Tout est dit dans un réfrigérateur. L’aspect extérieur d’abord. Sommes-nous face à un rikiki frigo d’étudiant taille petite armoire d’Ikea ou devant l’imposant américain double porte avec jet différentiel de glaçons et d’eau fraîche? Portes ouvertes, le frigo est-il rangé? Les plats sont-ils recouverts de film alimentaire ou sont-ils dans des tupperwares ? Produits gourmands ou inconnus? Aliments granuleux, légumineuses, industriels? Est-ce que l’emballage cartonné du paquet des yaourts est encore présent?
Tout un tas de questions dont les réponses vous aideront à tirer des conclusions définitives sur la personnalité des propriétaires. Un problème persiste: le sempiternel frigo vide. Son analyse par conséquent moins fouillée nous amène à évoquer la deuxième possibilité.
Pour cette dernière, il faut se déplacer dans un café pour écouter les conversations entre amis. Beaucoup de choses se disent dans ce que le groupe ne voit pas. Par exemple, une main effleure une autre main sous la table. Mince! Ces deux mains sont censés suivre le mouvement de baisers sur la bouche au dessus de la table. Deux couples se font face et se séduisent.
Après l’interruption involontaire d’un serveur pour le céleri de votre jus de tomate, vous vous êtes perdus dans l’observation de ce « mariage à quatre ». Ne vous inquiétez pas, une jeune romancière irlandaise continue les péripéties des Conversations entre amis. Je suis certain qu’elle aussi est tombée sur des frigos vides.
Pour qui : Pour tous ceux qui veulent lire la nouvelle Salinger. Pour tous ceux qui regardent le monde avec plus de questions que de réponses.
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Allongé ou expresso?
Joris-Karl Huysmans, Les habitués du café (1888)
Sillage, 2015
Récit
64 pages
Temps de lecture : 30mins-1h
"Un expresso s'il vous plaît"
"Un allongé pour moi"
Le café a ses habitudes, et ses habitués. Les terrasses se vident et se remplissent comme les verres à bières. Les liqueurs ont ici un goût meilleur, c'est irréfutable, elles ont le goût du bar. Ne léchez pas le comptoir pour tenter de le comprendre, cela risquerait de vous donner mauvaise haleine. Fondez vous dans le décor, tendez votre oreille aux habitués en mal d'interlocuteurs, ici tout se dit sans laisser de traces. Les mots jaillissent comme sortis d'une tireuse à bières, et se dissolvent dans un café amer. Les discussions de bar sont en sucre, elles se glissent sur votre langue et rendent terriblement addicts.
Petit traité sociologique des comptoirs et de ceux qui s'y accoudent, Huysmans vous invite à sa table. Rangez vous dans la catégorie des "taciturnes en quête de tranquillité", je vous souhaite un soleil matinal. Votre breuvage est servi, il ne vous reste qu'à boire ses paroles.
Pour qui : Buveurs d'expressos, de liqueurs et autres bières pression, bienvenue dans votre royaume. Ce livre est définitivement pour ses héros, ceux qui ne consomment des spritz que sur les terrasses parisiennes.
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Les secrets les plus secrets sont partagés par tout le monde
Blandine Rinkel, Le nom secret des choses
Fayard, 2019
Roman
304 pages
Temps de Lecture : 2h-4h
La rentrée est là. Les séjours farniente à lire en composant des caïpirinhas se terminent. Les étudiants vont refaire le monde sur les bancs des facs et des cafés. Un élément de langage un peu étrange consiste à dire pour ceux qui n’habitent pas Paris qu’ils y montent, comme une convocation pour un rendez-vous dans un bureau important. Déménager seul dans une ville qui ne s’éteint jamais s’apparente à mettre toute une petite fortune sur le rouge: quitte ou double. Certains seront déçus, seuls, tristes; ils se demanderont ce qu’ils pourront bien faire loin du soleil, de la mer et des arbres dans une ville où tout coûte un bras alors qu’ils n’en n’ont que deux. D’autres chercheront à comprendre comment ont-ils pu vivre ailleurs qu’à Paris pendant 18 ans.
Blandine Rinkel raconte ces deux histoires avec un personnage. Dans le train pour la capitale, la jeune fille entrevoit ses rêves sans savoir qu’ils la hanteront. La culture, « l’art des terrasses », la nuit, sont aussi attrayants que violents. C’est une « arrivée » à la Rastignac avec pour toile de fond La Distinction de Bourdieu. La narratrice change d’adresse, change de milieu, change d’amitiés, change de nom. Comment les petites impostures répondent aux bouleversements qu’on ne maîtrise pas ? Avec Le nom secret des choses.
Pour qui : Pour découvrir les lieux secrets que l’on cache précieusement à l’intérieur de nous.
Citation de la semaine
Un contenu média
Le mot de la fin de la Mouche d'Argent
🖋 C’est la rentrée. La rentrée des classes, la rentrée littéraire, la rentrée dans les villes. La voiture est au garage, les bronzages qui s’estompent laissent déjà place aux cernes du lundi. Les vacances sont fatigantes, alors on est tous un peu content de rentrer à la maison. Au fond du sac se cache la pile de livres que nous nous étions promis de lire, laissée comme les résolutions du premier de l’an, on s’affale sur son canapé.
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On ne vous embête pas plus longtemps, on retourne lire pour vous écrire une prochaine édition !
Bonne semaine à tous, et à dans deux semaines !
Alan & Raph.